Ce billet invité est signé Anna Petruccelli, Spécialiste IITA senior d’ActionAid UK, et Daniel Stevens, Directeur de la division Gestion Responsabilité et Transparence chez World Vision International.
Le mois dernier, nous avons participé aux côtés de représentants d’autres organisations signataires de l’accord du « Grand Bargain » à un atelier sur le thème de la transparence, de la mise en commun d’informations et des données, qui s’est tenu à La Haye. L’événement était co-organisé par le Centre des données humanitaires et Development Initiatives, avec pour objectif d’examiner les progrès réalisés et les perspectives concernant le volet Transparence du « Grand Bargain ».
Dans le cadre de l’accord du « Grand Bargain », les organisations ont convenu de publier en temps voulu des données transparentes, harmonisées, ouvertes et de qualité sur le financement de l’aide et des activités humanitaires, l’Initiative internationale pour la transparence de l’aide (IITA) servant de norme commune. La transparence est parfois considérée comme un concept technique et abstrait et publier des données au format de la norme de l’IITA est un investissement qu’il nous est souvent demandé de défendre au sein de nos propres organisations. Dans le cadre de cet événement, le fil conducteur des ateliers, à savoir l’utilisation des données, tombait donc à point nommé puisqu’il nous a servi à réfléchir à la valeur pratique de la transparence.
la puissance de la transparence réside en ce que – en assemblant le puzzle – les acteurs individuels peuvent prendre des décisions plus judicieuses, c’est-à-dire veiller à une meilleure coordination, suivre les changements que nous souhaitons voir se mettre en place et réclamer plus d’efficacité
Utiliser une norme commune relative aux données serait à l’image d’un groupe d’individus essayant d’assembler un puzzle. Chacun doit réfléchir à la manière d’assembler ses propres pièces (ce qui peut prendre du temps), lesquelles rejoindront ensuite le tableau d’ensemble. Les donateurs correspondraient aux coins et aux pièces des bords (parfois les plus faciles à placer !). Or, pour voir le tableau global, c’est-à-dire comment l’aide circule, il est nécessaire que tous les acteurs placent leurs pièces au milieu. Alors que les puzzles sont juste de belles images, la puissance de la transparence réside en ce que – en assemblant le puzzle – les acteurs individuels peuvent prendre des décisions plus judicieuses, c’est-à-dire veiller à une meilleure coordination, suivre les changements que nous souhaitons voir se mettre en place et réclamer plus d’efficacité.
Transmettre ce message est essentiel non seulement pour susciter l’adhésion de l’équipe dirigeante, mais aussi dans le contexte d’organisations fédérées et complexes. Les exemples abordés pendant l’atelier ont fait ressortir comment la communication d’informations au format de l’IITA a contribué à améliorer les systèmes et les processus de publication de données, tout en modifiant la culture interne concernant les données. Ainsi le projet pilote d’intégration IITA-FTS affiche des résultats encourageants. Ces exemples ont fourni des études de cas très précieuses. Il est intéressant de voir comment de nouveaux prototypes et outils de visualisation des données vont rendre les données de l’IITA encore plus accessibles et utilisables. Ceux-ci montrent bien en quoi communiquer des données humanitaires plus détaillées au format de l’IITA se révèle gagnant et peut faire progresser d’autres engagements du Grand Bargain. Il a été vraiment intéressant de réfléchir aux principes des données responsables et à la manière de les appliquer dans nos pratiques actuelles de l’IITA.
Enfin, l’on ne saurait plus apprécier la possibilité d’avoir pu débattre et envisager l’avenir en tant que communauté. Nous avons dressé le constat qu’une plus grande transparence est le moyen d’atteindre nos objectifs collectifs, à savoir une meilleure prise de décisions et une efficacité accrue. À cet égard, nous attendons avec intérêt de pouvoir lire les recherches de Publish What You Fund menées dans le but de mieux comprendre les besoins des intervenants nationaux et locaux en termes de données.
Nous devons tous œuvrer collectivement à une plus grande « normalisation de la norme ».
Et il reste des choses à faire dans certains domaines.
- Se concentrer sur l’automatisation, même s’il s’agit d’une évolution souhaitable à certains égards (par exemple du point de vue de l’interopérabilité des systèmes), peut poser le risque d’exclure des organisations plus petites qui n’ont ni les moyens d’investir dans de grands projets liés aux TIC ni réellement besoin de le faire. Or le collectif de l’IITA est constitué de nombreux acteurs de différentes tailles. Si l’automatisation est recherchée en tant que résultat, il sera nécessaire de bien accompagner les signataires de l’IITA de plus petite taille, non seulement pour renforcer leurs capacités, mais aussi pour les doter de moyens et d’outils. Autrement, ils seront laissés sur la touche, au détriment des objectifs plus globaux que nous avons mentionnés.
- Nous devons tous œuvrer collectivement à une plus grande « normalisation de la norme ». La flexibilité propre à l’IITA se prête à de multiples interprétations concernant les champs de données, lesquels peuvent à leur tour rendre ces données moins utilisables. Les signataires de l’IITA ont besoin d’orientations et d’outils plus précis et les exigences des donateurs se doivent d’être harmonisées et de ne pas s’écarter de la norme pour que cet objectif puisse être atteint.
Les objectifs collectifs peuvent être atteints uniquement en incluant toutes les voix et en offrant des possibilités de participation et d’engagement qui répondent aux besoins de tous les acteurs.
- L’IITA a été conçue au départ pour aider les gouvernements à mieux allouer leurs ressources, mais la liste de ses signataires et utilisateurs s’est considérablement étoffée depuis. Elle reflète désormais la grande variété des acteurs de l’action humanitaire et du développement. Les organisations de la société civile (OSC) représentent 73 % du nombre total de signataires de l’IITA, mais sont souvent insuffisamment représentées au sein des forums de haut niveau du fait de contraintes en termes de moyens. Les besoins des OSC en tant que signataires et utilisatrices de données sont très différents de ceux des gouvernements. Ainsi les OSC qui publient des données peuvent être plus intéressées par l’amélioration d’outils existants tels qu’AidStream que par l’instauration de processus d’intégration de systèmes complexes. En tant qu’utilisatrices de données, les OSC chercheront à mieux comprendre comment les données peuvent être utilisées pour étayer la prise de décisions sur le terrain. La représentation d’organisations de plus petite taille, locales et gérées par des femmes est encore inférieure, mais les objectifs collectifs peuvent être atteints uniquement en incluant toutes les voix et en offrant des possibilités de participation et d’engagement qui répondent aux besoins de tous les acteurs.
Ces ateliers ont représenté une fantastique occasion de réfléchir aux progrès accomplis jusqu’ici et à l’avenir. Il sera essentiel lors des prochaines étapes de s’appuyer sur les enseignements tirés de cet événement afin de garder la même dynamique et de faire grandir la communauté tout en la rendant plus inclusive. Il conviendra également de se rappeler que les données de l’IITA doivent refléter les processus opérationnels internes et permettre aux organisations de raconter leurs propres histoires, en ce qu’elles publient des données qui répondent vraiment à leurs besoins. Les signataires pourront ainsi se rendre compte que la valeur de l’IITA va bien au-delà de la simple conformité. Et nous pourrons assembler autant de pièces que possible au puzzle de l’action humanitaire et du développement.